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Film streaming Moi, moche et méchant regarder en ligne

« Moi, moche et méchant 3 ». la bonne fortune d’un péché mignon

Gags jouissifs et élaboration soignée, le film réitère la recette de la franchise gentiment régressive.

Le Monde | 04.07.2017 à 06h43 • Mis Ă  jour le 08.07.2017 à 12h07 | Par Murielle Joudet

L’avis du « Monde » - à voir

Apparue en 2010, la franchise Moi, moche et méchant est l’histoire d’une insolente success-story élaborée à cheval sur deux pays. Si la production est américaine (Universal Pictures, Illumination Entertainment), on doit la réalisation au studio français Mac Guff, devenu franco-américain après le rachat par la société de production cinématographique Illumination.

Le mélange est d’autant plus inédit que la franchise compte à ses débuts deux réalisateurs. Pierre Coffin, qui, après des études de cinéma à la Sorbonne, a poursuivi dans la prestigieuse école des ­Gobelins, et Chris Renaud, qui ­débuta comme écrivain pour Marvel et DC Comics et comme dessinateur pour les programmes télévisés de Disney.

Sorti en janvier 2010 sur les écrans français, le premier Moi, moche et méchant comptabilisa plus de 3 millions d’entrées, suivi d’un deuxième volet à 4,6 millions de spectateurs. Un triomphe en salle que l’on doit notamment à un intensif matraquage publicitaire et l’écoulement d’innombrables produits dérivés, à tel point que Pierre ­Coffin s’est lui-même plaint de l’agressive stratégie marketing d’Universal. Encore aujourd’hui, le nouvel opus inonde les rues et les réseaux sociaux. jusqu’à prendre le risque de lasser ses fans les plus fidèles.

Mais la mission est en partie réussie, car on peut ne jamais avoir vu un seul épisode de la franchise et s’être pourtant familiarisé avec leurs vedettes, les Minions, ces petites pilules jaunes vêtues d’une salopette, de gants de travail et d’une grosse paire de lunettes de protection. Le Minion (en français « larbin ») se déplace en bande et met son savoir-faire au service de Gru, super-méchant professionnel qui deviendra vite un gentil héros. A priori, rien de révolutionnaire dans le monde très compétitif de l’animation, rien du moins qui ne laissait présager un tel phénomène viral.

Coup de génie marketing

La conception de cette petite boule animée qui ne paye pas de mine s’est pourtant vite muée en coup de génie marketing. D’abord vouées à n’être que des personnages secondaires s’agitant en arrière-plan, ces créatures ont suscité un tel engouement qu’elles ont donné lieu à un spin-off. Les Minions, sorti en 2015. Le film fut l’occasion d’apprécier l’inventivité à l’œuvre dans ces petites machines burlesques marmonnant une drôle de bouillie polyglotte dont on devine vaguement le sens. Chaque geste, chaque expression est l’occasion d’un gag purement régressif, avec l’impression d’avoir plongé la tête dans un bain d’émoticônes.

Si bien que l’on pourrait s’alarmer d’une telle adhésion du public à un univers qui, semble-t-il, fidéliserait ses spectateurs en les ramenant à des réactions purement infantiles. Mais s’en inquiéter serait ne pas comprendre à quel point la franchise, avec l’indéniable puissance visuelle qui est la sienne, porte cette régression à de tels niveaux qu’elle finit par se retourner en commentaire aussi subtil que facétieux.

Si les Minions ont pu rencontrer un public adulte, c’est qu’ils débarquent à une époque où bon nombre de spectateurs ne cachent plus leur goût pour les petites créatures inoffensives et les vidéos idiotes. Ere de l’ironie amusée et du ­ second degré régressif que les Minions investissent pleinement et, disons-le, génialement.

Canevas banal

Car le coup marketing ne serait rien sans son supplément d’âme. les films. Chaque nouvel opus, plus ou moins inspiré mais toujours habité, témoigne d’un véritable soin apporté à leur exécution formelle autant que scénaristique.

C’est ce que vient confirmer ce troisième volet de la série Moi, moche et méchant. On retrouve Gru, sa compagne Lucy, leurs trois filles adoptives et bien évidemment la tribu des Minions. Communauté d’autant plus sympathique qu’elle s’est bricolée au fil des films et s’élargit par la découverte de Dru, le frère jumeau de Gru. Evincé de la Ligue contre les malfaisants, Gru tente de regagner son poste en combattant par ses propres moyens Balthazar Bratt, star oubliée des années 1980 qui cultive son res­sentiment contre une industrie qui l’a délaissé et désire se venger contre l’humanité tout entière.

L’humanité menacée, gentils contre méchants. à partir de cette ossature très classique, Moi, moche et méchant 3 arrive pourtant à se déprendre de la monotonie qui le guette en affûtant ses scènes comme autant de moments autonomes, diluant progressivement ce banal canevas dans une débauche de gags, de micro-récits et de personnages, brassant un grand n’importe quoi aussi poétique que jouissif.

Le souci du détail et des gags imperceptibles en arrière-plan, qui font tout le prix de cette franchise, témoignent du fait que ses créateurs restent d’authentiques orfèvres désireux de rester à la hauteur du phénomène. L’honneur est donc sauf. la grosse machine à divertissement nous prouve une nouvelle fois qu’elle est encore habitée par des artisans attentifs.